Je découvre, à travers “Eloge de la traduction”, les réflexions extrêmement brillantes, et pertinentes, de Barbara Cassin, dont d’autres extraits de livres (Kindle) m’avaient moins intéressé.
Barbara Cassin, élue en mai dernier à l’Académie française, est entre autres la coordinatrice du gigantesque “Dictionnaire des intraduisibles” (2004), intitulé aussi “Vocabulaire européen des philosophies”, pour lequel elle a associé un grand nombre de philosophes et traducteurs de toutes sortes de pays et de langues. Des versions en diverses langues sont sorties ou sont en cours. On peut consulter gratuitement un long extrait de la version anglaise Kindle (“Dictionary of Untranslatables”).
Le livre “Eloge de la traduction”, sous-titré “Compliquer l’universel”, sorti en 2016, et dont il existe une édition Kindle, est une sorte de défense et illustration du travail entrepris par son dictionnaire.
Très critique notamment par rapport à la philosophie analytique, jonglant d’un philosophe à un autre (et me permettant d’en découvrir mieux certains), ce travail ne peut que passionner l’amoureux des langues – et de la philosophie – que je suis, largement dépassé par le feu d’artifice auquel j’assiste, mais approuvant vraiment la finesse de la réflexion!
Allez y jeter un coup d’oeil !
(C’est l’extrait Kindle d’Eloge de la traduction que j’ai lu pour l’instant).
Additif: Comme un commentateur sur Amazon le suggérait, j’ai aussi jeté un coup d’oeil au livre de Heinz Wismann “Penser entre les langues”…
Et là, amusement! Ecrit en 2014, et faisant sans doute implicitement référence aux travaux de Barbara Cassin, il insiste sur le fait que la principale différence entre les langues, c’est la syntaxe: les structures syntaxiques ! Il raconte à ce sujet une mésaventure de Humboldt en 1798, n’arrivant pas à se faire comprendre d’un auditoire français…
La syntaxe détermine profondément la manière de parler (de penser?).
“Traversant l’Allemagne, en 1807, pour faire la tournée de toutes les têtes pensantes, Germaine de Staël se plaignait, à son tour, du fait qu’il n’y avait pas de conversation possible avec les Allemands, parce que, chez Goethe par exemple, ceux qui prenaient la parole ne la lâchaient pas avant d’avoir terminé leur phrase. Pour elle, une conversation consistait précisément à emboîter le pas à celui qui parlait, quitte à l’interrompre,..” !! (La raison étant, dit Wismann, que le verbe est à la fin de la phrase en allemand: tant qu’on n’a pas entendu le verbe on ne sait pas vraiment ce que l’autre veut dire).
Additif 2: Il y a un autre aspect, essentiel, dont j’espère/suppose que le travail du “Dictionnaire des intraduisibles” tient compte: c’est (tout simplement?) que certains mots ont un sens très différent d’un philosophe à l’autre. Wismann en donne un exemple à propos de ce qu’il appelle “la petite musique épicurienne”: Chez Épicure et Lucrèce la volonté est entièrement commandée par le mécanisme des atomes, seule la volupté est libre (..)”.
Le “Dictionnaire” consacre une page à “l’absence de la problématique de la volonté dans l’antiquité”. Ni le Lalande, ni encore moins le Foulquié n’évoquent ce problème.